Nous disposons à l’Observatoire de la Pointe du Diable d’un coronographe de Lyot, système optique assez complexe conçu pour observer les protubérances solaires en réalisant une sorte « d’éclipse artificielle ». Le principe de fonctionnement de cet instrument est décrit avec bien plus de détails que dans cet article dans le document Le-coronographe-de-Lyot.pdf

coronographe

1. Première action : occultation de l’image du disque solaire

Un cône métallique est disposé de telle sorte que sa base corresponde à l’image du disque solaire. L’essentiel du flux d’énergie incident est ainsi éliminé.

cone éclairé

La Terre décrivant autour du soleil une orbite elliptique d’excentricité e = 0,0167, le diamètre apparent du Soleil varie de 3,3 % selon la saison. Pour cette raison, nous disposons d’un jeu de cinq cônes de diamètres différents, le plus grand devant être utilisé autour du 2 janvier (date de passage au périhélie) et le plus petit autour du 2 juillet (date de passe à l’aphélie).

2.Deuxième action : interception de la lumière diffractée

Lyot dispose une deuxième lentille L2 sur l’axe optique et un diaphragme circulaire à la position conjuguée de l’objectif L1 par rapport à L2. Le diamètre du diaphragme est choisi de telle sorte que les ondelettes émises par diffraction par le bord de l’objectif soient interceptées.

diaphragme éclairé

Par contre, les rayons lumineux en provenance de la couronne solaire passent à travers la pupille. C’est en cela que consiste l’idée principale émise par l’astronome français Bernard Lyot en 1930.

3. Troisième action : réalisation de l’image de la couronne

Une troisième lentille convergente L3 est disposée sur l’axe optique derrière le diaphragme. Son rôle est de former une image réelle non inversée de la couronne solaire dans le plan focal du coronographe. Cette image pourra ensuite être directement recueillie sur un capteur photographique ou observée à l’œil à l’aide d’un oculaire.

schéma de principe

4. Quatrième action : Filtrage sélectif H-alpha

À ce stade, l’ennemi principal pour l’observation éventuelle des protubérances solaires est le bleu du ciel, fond diffus de lumière émise par l’atmosphère par le phénomène de diffusion Rayleigh.

En associant plusieurs lames cristallines, des polariseurs rectilignes et un filtre interférentiel, on réalise un filtre extrêmement sélectif de bande passante de 0,2 nanomètres, parfaitement efficace pour laisser passer toute la lumière H-alpha émise par l’hydrogène monoatomique.

Ce filtre est la pièce principale du coronographe, il permet de réaliser une inversion de contraste entre le bleu du ciel, pourtant plusieurs centaines de fois plus lumineux que les protubérances, et la lumière rouge H-alpha, de longueur d’onde 656,3 nanomètres, particulièrement intense dans les jets coronaux.

spectres

5. Lentille objectif asphérique parfaitement stigmatique H-alpha

Et voici la cerise sur le gâteau … Les lentilles usuelles ont des faces sphériques, elles ne sont stigmatiques que de façon approchée pour des rayons peu inclinés et proches de l’axe optique (« conditions de Gauss »).

La correction de forme à apporter à une lentille plan sphérique pour qu’elle soit rigoureusement stigmatique est parfaitement connue : il suffit d’ajuster la forme pour que le chemin optique entre la face plane de la lentille et le foyer soit indépendant de la cote d’incidence du rayon.

Cette correction dépend de l’indice et donc de la longueur d’onde. Comme nous observons ici en lumière parfaitement monochromatique, il est possible de faire cette correction. Ainsi, le coronographe est-il équipé d’une lentille objectif asphérique.

objectif plan-sphérique 2 objectif plan-asphérique 2

Il en résulte la formation d’images d’une finesse tout à fait exceptionnelle. Les protubérances solaires sont perçues avec tout le détail de leurs filaments.

protubérance