Au cours du second semestre de l’année universitaire 2019-2020, en période confinement covid19, trois étudiants de l’IMT-Atlantique (Aline Benabbou, Jean Plumail et Benjamin Colas) ont réalisé une étude des « Librations de la Lune » dans le cadre de leur projet « Codev ».

Qu’est-ce que la « Libration » ?

La Lune nous montre-t-elle toujours la même face ? C’est ce que l’on enseigne aux enfants et c’est vrai en première approximation : en effet, la Lune tourne sur elle-même avec la même période qu’elle tourne autour de la Terre, on dit que les deux rotations sont synchrones. Si l’on y regarde de plus près on se rend compte que trois phénomènes principaux viennent perturber notre vision de la Lune.

1. D’une part, si la Lune tourne sur elle même d’un mouvement uniforme quasi parfait, son mouvement orbital autour de la Terre n’est pas uniforme. L’orbite n’est pas circulaire, mais elliptique et la Terre se trouve excentrée. La Lune se déplace plus vite lorsqu’elle est au plus près de la Terre (périgée) et moins vite lorsqu’elle est au plus loin (apogée). Cela fait que nous la voyons tantôt de droite et tantôt de gauche : la Lune nous dit « non ». L’amplitude crête à crête de ce terme principal de la «libration en longitude» est égale à 12,6°.https://www.astronomie-pointedudiable.fr/quand-vais-je-rencontrer-lamour/

2. D’autre part, l’axe de rotation de la Lune sur elle-même est incliné par rapport au plan de son orbite autour de la Terre et l’on appelle « ligne des nœuds » la droite d’intersection de ces deux plans. Nous voyons donc la Lune tantôt par-dessous, tantôt par-dessus : la Lune nous dit « oui ». Un quart de tour après le passage du nœud ascendant, nous voyons au mieux le pôle Sud de la Lune tandis qu’un demi-tour plus tard, nous en voyons au mieux le pôle Nord. L’amplitude crête à crête de ce terme principal de la «libration en latitude» est égale à l’obliquité de valeur 13,4°.

3. Enfin, nous pourrions nous arrêter là si l’on observait la Lune depuis le centre de la Terre, mais ce n’est pas le cas : nous sommes à la surface de la Terre et cela induit une parallaxe de visée qui dépend du lieu et de l’heure d’observation. L’amplitude crête à crête de cette «libration parallactique» peut atteindre l’angle sous lequel la Terre est vue depuis la Lune, soit 2°.

Ces trois phénomènes combinés font que l’on voit au cours d’une lunaison non pas seulement 50% de la surface de la Lune comme ce serait le cas en l’absence de libration, mais près de 60% de sa surface. À la seule condition bien sûr d’être éclairés par le Soleil,  40% de la surface lunaire sont toujours visibles depuis n’importe quel point de la surface de la Terre, 40% ne le sont jamais et les 20% restant sont tantôt visibles et tantôt non visibles selon l’état de la libration.

Mesure des angles de libration

Tout d’abord, nous prenons une photographie numérique de la Lune en notant bien la date et l’heure de la prise de vue ainsi que les coordonnées géographiques du site d’observation. De nombreux cratères sont détectés sur l’image de la Lune et la position de leur centre est déterminée par une méthode de régression elliptique. L’image suivante montre l’exemple du grand cratère Platon.

En consultant un atlas lunaire,  nous avons connaissance des coordonnées sélénographiques de tous ces cratères (longitude et latitude sur la Lune).

Quelques calculs de trigonométrie sphérique s’ensuivent, rendant compte du fait que l’image de la Lune est une projection plane d’un objet 3D sphérique. Nous recherchons alors, par une méthode d’optimisation du type « moindres carrés d’écarts », quelle est la meilleure position dans l’espace de la sphère Lune qui donnerait une telle image à plat. Nous cherchons en quelque sorte à faire coïncider au mieux les positions de cratère observées sur la carte et les positions répertoriées dans l’atlas. Pour cela, quatre paramètres doivent être ajustés : les deux angles de libration (longitude et latitude sélénographique du centre de l’image), le diamètre apparent de la la Lune et enfin l’angle d’inclinaison de l’image.

Lorsque ces quatre paramètres sont optimisés, l’accord entre l’image réelle et l’image calculée à partir de l’atlas est tout à fait bluffant :

Les angles de libration sont ainsi mesurés avec une incertitude de seulement quelques minutes d’arc.

Libration parallactique

La photo de la Lune étant précisément datée et localisée, nous en déduisons par consultation des éphémérides la hauteur de l’astre au moment de la prise de vue. De cet angle, nous déduisons les contributions à la libration dues à la situation de l’observateur à la surface de la Terre. En déduisant ces contribution de la libration mesurée, nous obtenons l’état de libration de la Lune à cet instant vu depuis le centre la Terre. Ce résultat ne diffère des valeurs données par l’IMCCE (Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides) que de quelques minutes d’arc.